Le pari du Gabon pour réformer ses finances publiques
Entre ambition économique et discipline budgétaire, l’approche managériale engagée par le gouvernement doit encore démontrer sa capacité à transformer l’État.
D ans un communiqué du Ministère de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, chargé de la lutte contre la Vie Chère, publié le 14 novembre 2025, Le Gouvernement gabonais a dévoilé une série de réformes destinées à moderniser la gestion des finances publiques, à recentrer l’endettement sur l’investissement productif et à stimuler la croissance dès 2026. Portée par une projection optimiste de 6,5 %, cette stratégie se veut la matrice d’une nouvelle gouvernance budgétaire. Mais sa faisabilité opérationnelle demeure en question, tant la gestion publique reste marquée par des fragilités structurelles. Le succès du plan dépendra de la capacité à instaurer une discipline managériale durable.
Une stratégie gouvernementale sous haute pression Le gouvernement gabonais a présenté, le 14 novembre 2025, une nouvelle séquence de réformes économiques destinées à remettre l’investissement au cœur de l’action publique. Après des années où les dépenses de fonctionnement dominaient le budget national, l’exécutif affirme vouloir renouer avec une vision stratégique de l’allocation des ressources. Ce repositionnement répond à une exigence : restaurer la crédibilité de l’État dans la gestion des finances publiques, mise à mal par une décennie de crises, de déficits chroniques et d’inefficacité structurelle.
Endettement productif : entre discours de rupture et héritage lourd La promesse de consacrer l’endettement exclusivement au financement de projets de développement constitue l’axe central de cette nouvelle doctrine budgétaire. Le gouvernement rappelle qu’il a honoré tous ses engagements depuis 2007, un argument destiné à rassurer les marchés financiers. Mais la question de fond demeure : comment garantir que cette dette « productive » ne se diluera pas dans les mêmes pratiques de fuite budgétaire, de surcoûts ou d’opacité contractuelle qui ont largement fragilisé l’investissement public au cours des années précédentes ?
Un optimisme économique prudent face aux défis de mise en œuvre La projection d’une croissance à 6,5 % en 2026 s’appuie sur une relance de l’investissement et sur des réformes techniques telles que le Système Intégré de Gestion des Finances Publiques (SIGFIP), la plateforme de suivi des investissements ou le Compte Unique du Trésor. Ces instruments constituent, en théorie, les fondations d’une gestion managériale performante. Toutefois, dans la pratique administrative gabonaise, la réussite de telles réformes dépendra de la stabilité des équipes, de la formation continue et de la capacité à appliquer les normes sans dérogation politique.
Le financement mixte des projets : un pari sur la solidité du marché local La nouvelle règle de financement — 60 % en monnaie locale et 40 % en devises — vise à protéger les réserves et à minimiser les risques de change. Si cette approche témoigne d’une volonté d’autonomisation financière, elle soulève des interrogations : le marché intérieur dispose-t-il de la profondeur nécessaire pour absorber un volume accru d’émissions ? Le risque est réel de voir les taux locaux s’élever, renchérissant le coût de l’endettement national. Quant à la partie en devises, elle dépendra fortement de la confiance des investisseurs, encore volatile.
Gouvernance et discipline budgétaire : l’épreuve décisive La réussite de l’ensemble repose sur une question cruciale : l’État gabonais peut-il réellement imposer une discipline budgétaire durable ? La réforme managériale annoncée nécessite non seulement une transparence inédite, mais aussi des mécanismes de contrôle robustes, des audits indépendants et une volonté politique constante. En posant publiquement la question — « À quoi et à qui a servi l’endettement passé ? » — le gouvernement ouvre un champ d’exigences nouvelles. Mais sans une transformation profonde de la culture administrative, cette ambition pourrait rester un exercice de communication plutôt qu’un changement structurel.
