Après la condamnation de Valentin Bongo, la nécessité d’une transparence sur les biens saisis
Le verdict de 20 ans de prison en contumace pour Sylvia et Noureddin Bongo pose la question de la restitution des avoirs à l’État gabonais — et de leur gestion future.
L e procès des anciens dirigeants, Sylvia Bongo et son fils Noureddin, a débouché sur une condamnation à 20 ans de prison avec confiscation des biens. Mais au-delà de la sentence, se pose la question cruciale de la rétrocession et de la transparence dans l’usage des actifs saisis — qu’il s’agisse des sommes en banque, des liasses retrouvées à domicile ou des véhicules. L’État gabonais devra non seulement démontrer comment il va valoriser ces biens, mais aussi rendre des comptes publics dans la durée.
Depuis la condamnation de Sylvia Bongo Valentin et de son fils Noureddin, jugés par contumace pour corruption, détournement de fonds publics, blanchiment et association de malfaiteurs, le débat ne se limite pas à la peine de 20 ans prononcée par la Cour criminelle spécialisée de Libreville. La décision prévoit la confiscation de leurs biens et un remboursement de plusieurs milliards de francs CFA à l’État gabonais. L’ampleur des actifs concernés — dont des propriétés, des véhicules, des comptes bancaires et même des sommes en liquide — soulève désormais une question essentielle : que va faire l’État avec ce trésor saisi ?
La rétrocession des biens condamnés au profit de l’État apparaît comme une première étape symbolique et matérielle de réparation. Le Gouvernement de Transition, dès 2023, avait déjà redistribué une partie des actifs saisis : un chèque de 7,2 milliards de FCFA et 344 véhicules avaient été remis au Premier Ministre Raymond Ndong Sima, dans le cadre de l’« Opération dignité ». Ces biens provenaient des perquisitions menées chez les proches de l’ancien régime Bongo, selon les autorités de transition.
Mais la simple restitution de ces actifs ne suffit pas : l’État doit être en mesure de les valoriser pour le bien public. Cela peut passer par la vente des biens immobiliers — à des conditions transparentes —, l’utilisation de véhicules pour l’administration, ou encore la mise en réserve des sommes saisies afin de financer des projets prioritaires, comme des infrastructures ou des services sociaux. Le but déclaré de la transition — redonner au Gabon une gouvernance sobre et responsable — ne pourra être crédible que si l’utilisation de ces ressources est clairement définie, et non pas diluée dans des dépenses obscures.
C’est pourquoi la transparence est cruciale. Les Gabonais sont en droit d’exiger que chaque centime saisi fasse l’objet d’un suivi public : des audits réguliers, des rapports financiers accessibles, voire un tableau de bord citoyen sur la provenance des fonds et leur destination. Cette exigence est d’autant plus forte que des sommes très importantes avaient été retrouvées en espèces dans des domiciles. Sans mécanisme de reddition de comptes, les risques de corrupti8on ou de mauvaise gestion ne disparaîtront pas avec la condamnation des Bongo Valentin : ils pourraient seulement prendre une autre forme.
Enfin, la condamnation des Bongo Valentin ne doit pas être un point final, mais un premier acte d’une reconstruction institutionnelle. Le transfert des avoirs saisis vers des usages d’intérêt général est une occasion pour le Gabon de tourner la page de décennies de scandales financiers. Mais pour que cette nouvelle ère soit crédible, il faut des garanties : mise en place d’un organe indépendant de gestion des biens saisis, audits périodiques, participation de la société civile. Sans ces garde-fous, les promesses de transparence et de bonne gouvernance de la Vème République pourrait retomber dans les mêmes travers que le régime précédent.
