Analyse approfondie de la crise du Fonds Gabonais d’Investissement Souverain (FGIS)
Causes et perspectives de redressement
L e Fonds Gabonais d’Investissement Souverain (FGIS), doté d’un capital proche de 200 milliards de FCFA à sa création, représente aujourd’hui un cas paradigmatique de gestion financière défaillante au sein des fonds souverains africains. Miné par des dysfonctionnements conjoncturels et structurels, le FGIS n’est plus que l’ombre de lui-même.
Les causes structurelles et conjoncturelles de la crise
1. Mal gouvernance et opacité financière La gouvernance du FGIS souffre d’un déficit majeur de transparence et de rigueur. De nombreuses décisions d’investissement ont été prises sans évaluation rigoureuse des risques, en l’absence de contrôles internes solides. Cette mal gouvernance a favorisé la prolifération de pratiques opaques, notamment des emprunts contractés sans visibilité complète sur les conditions et l’utilisation des fonds. 2. Choix d’investissements risqués et peu rentables Le FGIS a engagé d’importantes ressources dans des secteurs d’activité à faible rendement ou dans des projets aux perspectives économiques fragiles. Ces investissements illiquides et à faible capacité de génération de revenus (dividendes ou intérêts) peinent à couvrir les charges finan8cières, contribuant ainsi à un déséquilibre structurel. 3. Endettement hasardeux Pour financer ses placements, le FGIS a souscrit des emprunts aux conditions souvent défavorables. L’absence d’une stratégie claire d’amortissement combinée à un manque de diversification adéquate des actifs a entraîné une fragilisation de la structure financière. Le ratio endettement/actif s’est détérioré, menaçant la solvabilité du fonds. 4. Résultats financiers catastrophiques Officiellement, en 2025, le FGIS détient des actifs évalués à plus de 1000 milliards de FCFA répartis dans dix secteurs d’activités. Cependant, son résultat net pour l’exercice 2024 affiche un déficit de 900 millions de FCFA, excluant la réévaluation des actifs toxiques. Ces derniers dégradent davantage la situation comptable, attestant de la mauvaise qualité des investissements. 5. Échec dans la diversification de l’économie nationale L’objet principal du FGIS était d’appuyer la diversification de l’économie gabonaise hors hydrocarbures. Or, son incapacité à générer des retours positifs sur ses placements compromet cette mission stratégique, renforçant la dépendance du pays au pétrole.
Propositions pour la restructuration et la redynamisation du FGIS
Pour remettre le FGIS sur une trajectoire de viabilité financière, plusieurs leviers doivent être activés :
1. Réforme de la gouvernance Mettre en place un comité de surveillance indépendant avec des experts financiers de haut niveau pour assurer la transparence des opérations. Instituer des audits périodiques et publics et renforcer les mécanismes de contrôle internes. 2. Rationalisation et recentrage de la stratégie d’investissement Revoir le portefeuille en priorisant les secteurs à fort potentiel de croissance durable et à rendement financier avéré. Sortir progressivement des investissements toxiques ou non rentables par des cessions efficaces. 3. Gestion rigoureuse du passif Renégocier les dettes existantes avec les créanciers pour obtenir des conditions plus souples. Établir un plan d’amortissement réaliste assorti de garanties solides. Éviter de recourir à tout nouvel endettement non justifié par une stratégie financière claire. 4. Optimisation des actifs et valorisation Procéder à une évaluation exhaustive des actifs non performants et envisager des partenariats public-privé pour revitaliser les investissements. Exploiter pleinement les actifs rentables pour générer des flux de trésorerie stables. 5. Renforcement des capacités internes Former une équipe de gestion dotée de compétences financières et stratégiques robustes. Utiliser des outils d’analyse de risque performants afin de piloter efficacement les investissements futurs.
En synthèse, le FGIS illustre les dangers d’une gestion défaillante des ressources souveraines, particulièrement dans un contexte économique volatile. Sa quasi-faillite résulte d’un cumul d’erreurs stratégiques, financières et organisationnelles. La seule issue viable repose sur une restructuration profonde, combinant gouvernance rigoureuse, discipline financière et choix d’investissements avisés, afin de restaurer la mission de diversification économique et sécuriser l’avenir financier du Gabon.
